02.05.14

Un 1er mai version Cuivrées

Ecrit dans Actualité à 14:49 par Bernard-Roger MATHIEU

Merci pour mes cuivres. Les voila flambants neufs. Et pour un moment.
En sortant de la salle de l’Olympie de Limoux, jeudi soir, force nous obligeait à nous remémorer Thésée.
L’exemple de Thésée ce héros grec. Décidément nous n’en aurons jamais fini avec nos minotaures.
Et les regards se croisaient. Et les interrogations se bousculaient. .. tandis que la fou…ououle se pressait vers la sortie portée par un élan de liberté, ou un élan de conscience de liberté, un acquis toujours en sursis.
Comme si nous n’avions pas bien compris ce voyage dans le temps du «chemin des bonshommes », le conteur Olivier de Robert, la voie profonde aux accents rappelant Pierre Fresnay par moment, nous balança dans les moustaches : « N’est pas Jean Moulin qui peut ». Après la guerre et ses terrifiantes conséquences, l’inquisition se chargea des survivants. Vous êtes là, tranquille, vous ne demandez rien à personne (c’est toujours le conteur qui parle) tout à coup des gens viennent, vous cassent la porte et vous emmènent. Vous n’avez rien fait, pas bougé, pas participé, vous n’y êtes pour rien … mais on a retrouvé dans les minutes de l’Inquisition des mères qui avaient fini par « vendre » leurs enfants.
« Par exemple : un jour banalement vous oubliez d’aller à l’église. Autant dire que votre avenir automatiquement sent le roussi ».
L’inquisition, la collaboration, la dénonciation, l’art de la délation suscitée des inquisiteurs questionnant, torturant, avilissant ces Cathares promis à la liberté… à condition de donner un nom. Celui d’un voisin, d’un ami, d’un copain. Relâchés, ils étaient tenus de porter un vêtement arborant une croix latine jaune.
Et d’ajouter : « On n’invente jamais rien ».
Que dire du thème musical ? Quand les mots ont atteint leur limite on laisse la place à la musique. Justement le voici ce thème récurant, revenant régulièrement comme des volucelles tournoyant autour des bûchers. La menace promène ses redondances le ton grave puisé dans les dégoulinures cuivrées des trombones, des cors, les cornets, les hautbois, les bassons, les bugles, les euphoniums, les ophicléides, saxhorns, tubas…
A gorges déployées chanteurs, choristes, instruments de l’Ensemble Instrumental des Pyrénées Cathares sous la direction d’Eric Villevière, ont fouillé jusque dans les recoins cachés de notre mémoire. Les mots comme des flammes sont remonté des contrées lointaine du temps . Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas rallumé avec autant d’ardeur la flamme de mon 1er mai. Si un moment j’avais badé un ami se trouvant à Paris devant le mur des fédérés au Père Lachaise, pour célébrer une autre mémoire dans le fond pas si éloignée, mon Limoux à moi, celui de ce jeudi soir, fut aussi prompt à me remettre les points sur les « i ». Le tout sur une musique de Jean-Michel Maury ; une page d’histoire, révélée en mots et musique, rendue humaine, charnelle pour comprendre nos minotaures.
«Montségur, la tragédie cathare» est un poème symphonique pour trombone solo et orchestre d’harmonie de Maxime Aulio qui décrit, à travers des couleurs sonores, la tragédie de Montségur. Du bruit du vent métaphysique au début de la pièce qui encadre le fameux piton rocheux, jusqu’aux carreaux d’arbalètes et autres pierres s’écrasant sur les murailles, c’est toute l’histoire qui a conduit aux tristes bûchers et autres fours crématoires qui était proposé à l’attention des… mélomanes, nous informait le programme.
A l’intention des mélomanes ? Fichtre !
Oui, bien entendu « on » connait la musique. La musique a du bon.
« On » peut se dire que la culture a bon dos quand elle veut faire passer des messages.
Reste à savoir de quelle oreille l’entend ce « on » de la rue.
Celui qui lit le journal et mange ses croissants tous les matins.
Qui d’un œil distrait vous accusera de chercher des poux dans la tête ou sans cesse la petite bête.
Il ne faut pas voir le mal partout.
On peut admirer les envolées magistrales des premiers violons.
On peut rester sourd au militantisme de ces activistes forcément des intellectuels de Gauche. Ils sont partout !
On peut se demander si les Cathares avaient de l’oreille.
Ou les juifs ? Ou les Roms ? Ou nous peut-être.
Alors que bientôt de nouvelles élections frappent à la porte de l’actualité, la culture nous rappelle qu’elle a de la mémoire et que les monuments aux morts ne sont jamais bien loin… sauf que eux ils sont silencieux.
Tout un peuple d’ombres envahit notre présent dans l’ample silence des siècles.
Et tout à coup, un soir, un concert, un Premier Mai surgissent…