17.01.09
René Coll…
Samedi 17 janvier
14 heures. Trèbes se charge de voitures. Ils sont venus, ils sont tous là. Les immatriculations parlent de départements lointains. D’horizons où l’artiste réveilla bien des chaleurs au son de son saxo. Une foule roule des cortèges de gens en noir pressant le pas.
Ils se pressent se dépêchent d’aller là d’où on ne revient pas.
Dans sa boite en bois, René attend. L’éternité l’attendait. Sous la caisse un sourire gît enfermé, gelé, cassé, détruit.
15 heures. Un tourbillon de pigeons jette un air léger comme de la plume comme pour dire qu’on vient de lâcher dans le ciel des poignées de souvenirs. Virage sur l’aile d’un passé qui soudain vient d’écrire les dernières notes d’une partition désormais à tout jamais muette.
Il fait beau. Le ciel est bleu. Le silence est pesant.
Un pigeon plus curieux qu’un autre se pose sur un fil surplombant la place. Il regarde qui est là. Penche la tête, balance son œil vif sur ces humains à la tête baissée derrière des lunettes noires.
Et René ? René c’était un oiseau bleu. Un volatile qui voyageait d’une fête à l’autre. Qui bossait beaucoup. Qui aimait le travail bien fait. En novembre dernier j’étais passé aux « Mille Vents » sa propriété. Son épouse m’avait reconnu.
- Vous le trouverez au hangar, m’avait-elle dit. Le hangar, près de chez Felix l’artisan menuisier, haut lieu acoustique, vibrait abritant des répétitions où, dans un mélange de décontraction, de petites mises en boite sympathiques, de clins d’oeil, un travail sérieux retaillait sans cesse le costume musical de ses prestations auxquelles il ne manquait pas un pli.
- Les filles, le loup, il faut me le faire là… là maintenant !
Débordé ? Peu importe, le sésame d’un sourire toujours disponible René m’embrasse. Il m’a fait venir. Il voulait mon livre sur les « Essayistes » pour le remettre à Patrick. Il lui en avait parlé.
- Mets lui un mot…parle lui comme à un frère !
René s’intéressait à tout ce que le Carcassonnais produisait. Toujours disponible, toujours attentif. Le cœur sur la main. Le sourire, son sourire. Deux yeux de plaisir communicatifs.
A l’époque où j’étais président du comité des fêtes de mon village, au moindre pépin…. Hop un coup de fil… et c’est René qui s’y colle. Et René nous dépannait, en copain. “ça va le faire” comme il disait. De l’argent ? De l’Or oui, l’Or de l’amitié. Un grand ! C’était un grand.
Au pied levé un soir dans les années 80, il appela à la maison.
- Prends Grocolas, il a une date de libre.
Avec Lady lay on a fait un malheur. Et René avait rendu service comme à son habitude. A moi, au village, au public, à la fête.
Et on est tous là, sur les parvis d’une église où un millier de personnes attend dans un présent qui traine les pas. Un présent qui piétine un après-midi qui aurait pu être beau. Un après midi d’hiver ensoleillé coincé entre la rivière Aude et le Canal du Midi. Un après midi qui aurait pu être comme les autres.
Ils sont venus, ils sont tous là.
Chacun racontant l’anecdote personnelle. Un jour, moi et René…
Le chemin de croix des notes-hommage de Gilles Arsens qui dirige l’orchestre coincé derrière l’autel, sort par le portail grand ouvert. Il est lourd à porter.
Ce samedi ce n’est pas un samedi comme les autres.
« Grand cabaret » vers 20h30 s’animera sur la voix de Patrick qui d’un grand geste s’adressera à la foule pour applaudir l’orchestre de … René Coll !
Allez, allez … tout le monde debout. L’artiste mérite bien ça !
Tout à coup le pigeon sur son fil s’envola… Une dernière fois.
Il disparut à tout jamais derrière des toits tuilés de tristesse.
note : j’ai quelque part, par là, il faut que je cherche, je vais retrouver, une photo de René prise dans son hangar avec Patrick Bruel. René m’avait appelé à la Dépêche. C’était dans les années 80. Bruel devait se produire à Strasbourg et n’avait pas d’orchestre… alors il était venu à Trèbes demander du secours. Un article était paru alors dans La Dépêche. J’ai aussi un reportage qui datent d’avril 2008 quand était sorti le film “T’aimes”. Une présentation avait eu lieu à Diagora Toulouse-Labège. Sur la photo il y a toute la bande. Y compris Norbert Serre.
Je vais essayer de retrouver tout cela rapidement.