02.10.09
BOIRE TUE
En allant faire mon tour des vendanges dans le Minervois, je me suis arrêté chez mes amis les courageux Bertoncini à Malves, domaine Villepeyrou puis j’ai poussé jusqu’à Laure chez Jean-Louis Poudou ( voir l’article sur le Nouveau vin primeur). Amoureux des baraques de vignes abandonnées ( voir notre album photos), je me suis laissé prendre les roues par des chemins s’enfonçant au cœur du vignoble. Là où ne vont que les vignerons.
Cela m’a donne une envie de plume. Quand les syndicats alertent l’opinion sur la condition des vignerons au bord de la faillite, ils n’exagèrent en rien.
http://www.ladepeche.fr/article/2009/09/26/681327-Des-viticulteurs-en-etat-de-faillite.html
Ici cela sent la mort, nous disait Jean-Louis Poudou.
Les banques tentent de nous achever relevait Chantal Bertoncini.
Il faut aller au pied des vignes. Nous y sommes allés.
BOIRE TUE
Je les ai vues enfermées dans leur vallon, les portes ouvertes sur le néant.
Je me suis arrêté devant les herbes folles. J’ai écouté les plaintes du vent.
J’ai arraché une grappe de merlot à petits grains toute frêle dans ma main.
Et dans le lointain se couchait un soleil de plomb effaçant l’or des matins…
Mais ou êtes-vous les Pivot, les Guerra, tous ceux qui font les beaux un verre au bout des doigts ?
Venez faire un tour au fond du Minervois.
Vingt-dieux Bacchus ici crève la gueule ouverte.
Sa soif de mots, ceux qui lui redonneraient courage, lui tord les veines du cou. Ses cris s’éteignent dans le silence de l’indifférence des buveurs d’eau.
J’ai arrêté ma voiture et mon regard embrassait une mer de vigne.
Quelques taches brunes ici et là blessant le paysage, salissures d’arrachages, ne parvenaient pas à cacher, derrière leurs hontes, des friches abandonnées…
Par manque de trésorerie des vignerons ont préféré ne pas vendanger.
La récolte sur pied coûtera moins cher que rentrée.
Salauds de pauvres coupables d’abandon. Mais peut-être sont-ils déjà morts ?
Je ne les entends plus pleurer.
Que reste-t-il sur le compte du Crédit Agricole ? L’ancienne banque capitaliste des agriculteurs devenue sourde à l’appel des travailleurs de la terre, a perdu son âme.
On ne se suicide pas qu’à France Télécom…
J’y ai bu des merveilles. J’y déguste encore des jus de treille comme nulle par ailleurs.
Dans sa robe de satin la belle ivresse de ses qualités tourne mes mots faisant exploser mon vocabulaire.
Mais, dans le verre de mes phrases reflète le pécher d’un plaisir qui s’éteint. Attention verbe sulfité.
Je les ai vues enfermées dans leurs vallons. Enchaînées à une terre gagnée par le chiendent.
J’ai entendu leurs cèpes tordant leurs gestes suppliciés, suppliant face aux cieux leurs sarments fous. Bousculé dans l’anarchie des vents plane l’esprit vigneron.
Vents de crise. Vents d’incompréhension. Vents de colères rentrées.
Larmes de crise. Larmes d’incompréhension. Larmes de colère.
Ami verse moi le dernier verre…